Natation. Quatre médailles d'or au championnat d'Europe pour la Française Manaudou.
Laure gagne sur elle-même
Par Christian LOSSON
QUOTIDIEN : Lundi 7 août 2006 - 06:00
Que dire d'elle ? C'est qu' «il faudrait inventer des mots», dit Claude Fauquet, directeur technique national. A 19 ans, Laure Manaudou a déjà épuisé les clichés vaseux (de sirène à pédalo) et les jeux de mots foireux (de l'or Manaudou à Laure en barre). Reste quoi ? A s'en tenir à son bilan. Avec quatre breloques individuelles du plus beau métal récoltées sur l'île Marguerite, à Budapest, l'edelweiss de la natation made in France 1,80 m, 63 kilos se hisse à des sommets jamais atteints lors d'un championnat d'Europe. Elle rejoint l'Est-Allemande Geweniger (1981) et la Hongroise Egerszegi (1993). Cela situe la performance. En huit courses, Manaudou truste sept médailles, quatre d'or (800 mètres libre, 200 mètres quatre nages, 100 mètres dos et 400 mètres libre) et trois de bronze (200 mètres libre, 4 x 200 mètres libre et 4 x 100 mètres quatre nages). Lui manque juste la mise à l'eau sur 400 mètres quatre nages.
Manaudou et le club France (15 médailles en tout en natation, record de Madrid 2003 égalé, meilleur total européen) nagent dans la félicité. Mais Manaudou est ailleurs. La fille de la piscine de Melun aux 34 titres nationaux en individuel renvoie à d'étonnants horizons. Comme l'écrivent les éditorialistes en mal de rêve : «Enfin, Manaudou vint, et avec elle une radieuse éclaircie dans ce ciel envahi par les nuages.» Manaudou se disait «un peu fatiguée». On le serait à moins quand on enfile jusqu'à 17 kilomètres par jour à l'entraînement. Et qu'on assure, en Hongrie : «Il m'est arrivé de me retrouver en chambre d'appel sans plus savoir quelle course j'avais à nager.»
Hier, c'était la séquence 400 mètres libre. Distance que l'élève de Philippe Lucas avait dépoussiérée le 12 mai, envoyant le record du monde de Janet Evans aux JO de 1988 aux archives. Le matin même, pour se qualifier en finale, «elle pensait faire 4' 10, dans ces eaux-là, dit Sophie Hubert. Elle a fait 5 dixièmes de moins.» En finale, elle tape les 4' 02" 13, 90 centièmes de mieux que sa propre «marque». Dans la foulée, Manaudou enchaîne sur le relais 4 x 100 mètres quatre nages. En dos, ligne de corps parfaite, positionnement de la tête dans l'axe, propulsion fluide, elle passe la main à 15 centièmes du record du monde... «Manaudou a la plus grande palette de courses», dit Andrea Palloni, coach italien. «C'est un cyborg, elle n'est jamais fatiguée», ajoute son confrère Claudio Rosetto.
Fauquet, lui, entend profiter de l'effet Manaudou : «Mesdames et messieurs les maires, permettez à vos clubs de progresser. Donnez des lignes d'eau, pas seulement à 22 heures...» Mais dans l'eau comme en athlétisme, les progressions fulgurantes sont troublantes. Les Allemandes Liebs (26 ans) ou Steffen, anonymes jusque-là, qui explosent les chronos et se parent d'or européen ? Mais c'est sans doute une autre histoire...
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