Lucas l’atypique
L’entraîneur-mentor de Laure Manaudou détonne dans le monde policé de la natation française. Personnage controversé, Philippe Lucas cultive sa différence et n’a que pour seule obsession la réussite de ses nageurs.
Par Mathieu Idiart
Entraîneur dès l’âge de 20 ans
Mars 2000, championnats de France à Rennes. Philippe Lucas, alors entraîneur au Cercle des nageurs de Melun Val-de-Seine, repère dans les bassins une gamine de 14 ans pas comme les autres. «Elle allait vite. Elle était grande, fine, puissante. Je voulais l'avoir sous ma coupe», se remémore-t-il dans les colonnes du Figaro. Les destins de Laure Manaudou et de Philippe Lucas seront dès lors liés, la jeune espoir emménageant en septembre 2001 à Melun chez son nouveau guide. Une décision douloureuse pour les parents de Laure, Jean-Luc et Olga, atténuée par la conviction que cette séparation est pour le bien de leur surdouée de fille. Philippe Lucas jouit en effet d’une certaine réputation dans le milieu. Celle d’un entraîneur autodidacte officiant dès l’âge de 20 ans avec lui-même comme premier cobaye. «J’étais une tringle», reconnaît-il modestement. Son talent sera alors de faire éclore celui des autres. Première réussite, Julia Reggiany, sa future épouse, qu’il qualifie pour les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992. Sous sa férule, David Abrard et Nadège Cliton connaîtront le même succès en 1996 mais Lucas devra attendre l’émergence de Manaudou pour côtoyer les podiums internationaux.
Relation fusionnelle avec Manaudou
Souvent raillé pour son apparence plus digne d’un Hell’s Angel que d’un entraîneur associé à l’équipe de France de natation (depuis 2004), Philippe Lucas ne passe jamais inaperçu près des bassins, avec ses débardeurs et sa crinière blonde. L’aspect extérieur surprend. Pis, sa relation avec son athlète choque après une séquence passée en boucle à la télévision où Lucas passe une soufflante à Manaudou que n’aurait pas renié un Laporte des grands jours. Mais s’offusquer d’une telle scène, c’est ne pas comprendre la relation passionnée qui unit ces deux caractères. Cet amour filial suit le rythme des éclats de voix et des réconciliations au fil des succès. Une relation savamment entretenue par Lucas qui revendique autant son intransigeance à l’entraînement que la liberté accordée à ses nageurs en dehors des bassins en prônant l’auto-responsabilisation.
Exigeant avec ses ouailles, l’entraîneur aux gros biscotos l’est également avec les autorités fédérales. Sa passe d’armes avec le DTN, Claude Fauquet, en 2004 lorsque ce dernier avait apporté un bémol au record du monde sur 1 500m en petit bassin de Manaudou, a marqué autant que la solidité du couple apparu plus uni que jamais durant cet épisode. Preuve de leur lien indéfectible, la championne olympique, ainsi que les autres nageurs du groupe, n’hésite pas un seul instant à suivre Lucas quand celui-ci claque la porte de son club de toujours, Melun, pour rejoindre le Canet-en-Roussillon devant les atermoiements du Conseil Général de Seine-et-Marne et de la mairie de Melun pour accéder à ses exigences. Dans la vague de son joyau, Lucas a glané sa parcelle de gloire, en atteste sa récente marionnette aux Guignols, mais ce puriste n’en a cure. Son seul objectif, voir ses poulains repousser leurs limites et notamment Manaudou dont il jure qu’elle n’a pas encore atteint la plénitude de son potentiel. Plutôt prometteur au vu de la razzia de Melbourne car désormais, lorsque Lucas parle, on ne s’arrête plus à ses excès de langages, on l’écoute.
source: www.sport24.com